1ère PARTIE : L’ENCADREMENT DU
POUVOIR FINANCIER LOCAL
Pourquoi
compare-t-on les finances locales avec un système ? Définition du système
de De Rosnay : le système est un ensemble d’éléments en interaction dynamique
organisé en fonction d’un but.
Les éléments qui caractérisent les finances
locales :
-
1ère
relation entre les collectivités locales et le tissu social (entreprises,
individus en tant qu’électeurs et contribuables, associations…).
-
2ème
relation entre les collectivités locales et leurs satellites (sociétés
d’économie mixte souvent créées par les collectivités locales, associations,
établissements publics de coopération intercommunale – communautés de communes,
communautés urbaines, regroupements intercommunaux) Cela pose le problème de la
répartition des impôts : vont-ils aux collectivités locales ou aux
regroupements ?
-
3ème
relation entre les collectivités locales et l’Etat. C’est la plus fondamentale.
Elle pose le problème de l’autonomie financière des collectivités locales,
leurs rapports avec l’Etat. Sont-elles réellement autonomes en matière
financière ? Peuvent-elles aller jusqu’à décider de leurs propres impôts
ou le pouvoir central va-t-il pouvoir harmoniser le droit applicable en matière
financière sur l’ensemble du territoire ?
-
4ème
relation entre les collectivités locales et l’UE.
C’est bien un système. Ces relations vont interagir
et produire le droit applicable. Deux types d’interdépendance :
l’interdépendance horizontale (relations qui existent entre les diverses
collectivités locales elles-mêmes). La péréquation pose le problème du partage
des ressources entre collectivités locales. L’interdépendance verticale qui
concerne les collectivités locales et l’Etat ou les collectivités locales et l’UE.
Grande interrogation : le management public.
Peut-on gérer une ville comme on gère une entreprise ? (Ex :
Nouvelle-Zélande, Angoulême). Qu’implique l’ensemble de ces relations ?
Des contrôles de la part de l’Etat notamment, le maintien de la politique de
décentralisation, et les collectivités locales doivent planifier, évaluer,
anticiper les réactions des autres acteurs.
Section 1 : les garanties
constitutionnelles.
Jusqu’où l’Etat peut-il porter atteinte à l’autonomie
des collectivités locales ? Existe-t-il un principe d’autonomie financière
des collectivités locales ? Jamais le CC n’a reconnu un tel principe. Que
peut-on entendre par autonomie financière ? Il y a trois
définitions :
-
La conception
maximaliste de l’autonomie : elle
implique trois pouvoirs, trois droits pour les collectivités locales. D’abord,
celles-ci doivent disposer de la souveraineté normative dans le domaine de la
gestion financière. Ensuite, elles ont droit à ne pas être contrôlées. Enfin,
elles ont droit à l’indépendance en matière de vie financière (droit à
l’emprunt…).
-
La conception
intermédiaire de l’autonomie :
elle implique trois éléments. L’existence de ressources propres d’un montant
suffisant, la détermination libre des recettes et des dépenses et l’existence
de contrôles a posteriori.
-
La conception
minimaliste de l’autonomie :
elle implique deux éléments. Les collectivités locales auraient droit au
respect de leur équilibre financier (l’Etat peut décider des recettes et des
dépenses mais doit garder un équilibre) et la garantie d’un niveau de
ressources.
L’Etat peut intervenir de différentes manières dans
les collectivités locales :
1.
L’Etat prescripteur : c’est l’Etat qui crée les impôts locaux. C’est lui qui détermine
l’assiette des impôts locaux. L’Etat encadre le vote des taux des impôts
locaux. C’est lui qui recouvre les impôts. Toutes les disponibilités
financières des collectivités locales sont obligatoirement déposées au Trésor
(Etat banquier). Elles ne peuvent faire de placements. L’Etat va déterminer des
dépenses obligatoires ou interdites.
2.
L’Etat serviteur : il recouvre les impôts pour les collectivités locales. Le
recouvrement ne coûte rien aux collectivités locales. Il peut leur accorder des
prêts.
3.
L’Etat pourvoyeur : il est un bailleur de fonds pour les collectivités locales. La
collectivité locale vote un taux pour les impôts locaux. L’Etat garantit quand
même le montant des impôts votés même en cas de contribuables qui ne le payent
pas.
4.
L’Etat régulateur : il va garantir les grands équilibres nationaux, et notamment
mettre en place des mécanismes de péréquation (garantir la redistribution des
richesses entre collectivités locales).
5.
L’Etat ponctionneur : il va opérer des prélèvements sur les ressources des
collectivités locales à son profit.
La jurisprudence du CC et les articles de la
Constitution :
-
Article 14 de la
DDH : Principe du consentement à l’impôt par le biais des représentants.
Peut-il s’agir de représentants locaux ? Si l’article 14 signifie que ce
sont des représentants nationaux, les collectivités locales n’ont aucun rôle à
jouer. S’il signifie que ce sont des représentants locaux, un rôle beaucoup
plus important est donné aux assemblées locales. Droit d’en suivre
l’emploi : problème quand l’Etat est ponctionneur. Impossibilité pour les
contribuables de suivre l’emploi de l’impôt.
-
Article 34 de la
Constitution de 1958 : compétence du législateur à 2 titres. Compétence en
matière d’impôts et en matière de libre administration des collectivités
locales et pour leurs ressources.
-
Article 72 de la
Constitution de 1958 : principe de libre administration des collectivités
locales.
I.
La protection
constitutionnelle de la compétence fiscale locale.
Le législateur n’a jamais reconnu de pouvoir fiscal
local. Les collectivités locales ne peuvent établir d’impôts par elles-mêmes.
Les impôts sont créés par la loi et les collectivités locales disposent ensuite
des ressources. Elles n’ont pas de pouvoir créateur d’impôts.
Décision du
CC du 30 décembre 1987 (n°239) :
une loi autorisait l’Etat à prélever une ressource fiscale d’une collectivité
locale pour la donner à une autre. Les requérants (60 députés, 60 sénateurs)
invoquaient la méconnaissance de l’article 14 de la DDH car ils estimaient que
les contribuables de la collectivité locale ponctionnée ne pouvaient plus
suivre l’emploi de l’impôt. Le CC rejette la requête puisqu’il attribue au
législateur la compétence en la matière, il peut donc choisir de ponctionner.
L’article 34 de la Constitution l’emporte sur certains principes de l’article
14 de la DDH.
Décision du
CC du 25 janvier 1990 (n°277) :
le CC admet qu’une loi ne fixe pas elle-même le taux des impôts. La loi crée
l’impôt mais ce sont les collectivités locales qui vont voter le taux, le fixer
(article 72). Mais il fixe une limite : la loi ne saurait avoir pour effet
de restreindre les ressources fiscales des collectivités locales au point
d’entraver leur libre administration.
A.
La suppression d’un
impôt local.
Le législateur peut-il supprimer un impôt
local ? Peut-il entraver la libre administration ? Peut-il substituer
un impôt à un autre ? C’est possible. Le législateur peut-il supprimer un
impôt et le transformer en subvention de l’Etat ? Peut-il supprimer
totalement un impôt sans compensation ?
Décision du
CC du 24 juillet 1991 (n°298) :
elle concerne une loi qui abrogeait au profit de la ville de Paris
l’affectation d’un prélèvement de 1% sur les sommes de Paris mutuelles. Le CC
admet une telle suppression eu égard à son montant qu’il estime minime par
rapport aux ressources de la ville. Le mot entraver est apprécié
quantitativement.
Décision du
CC du 25 juin 1998 : avant la
suppression des vignettes. Il y avait une loi qui définissait de nouvelles
règles d’immatriculation. Influence sur les ressources des départements qui
bénéficient le plus des revenus de la vignette. Le CC n’a aucune
réaction : la loi n’entrave pas leur libre administration.
Décision du
CC du 29 décembre 1998 (n°405) :
suppression par le législateur de la part salariale de la taxe professionnelle.
Elle est remplacée par une subvention de l’Etat. Le CC juge que cela n’entrave
pas les ressources des collectivités locales eut égard au montant en cause.
Toujours appréciation quantitative.
Décision du
CC du 12 juillet 2000 sur la taxe d’habitation : la loi de finances 2000 a supprimé la part
régionale de la taxe d'habitation, compensée par une dotation de l’Etat. Les
requérants invoquaient la violation du principe de libre administration des
collectivités locales. Le CC a rejeté cette argumentation au regard d’un
critère quantitatif. La mesure a simplement pour effet d’abaisser de 44% à 37%
la part de recette fiscale de la région. Pas d’obligation à la charge de l’Etat
de compenser strictement cette perte.
B.
La réduction du
pouvoir de décision fiscale.
L’Etat encadre le pouvoir des collectivités locales
en matière de décision fiscale. Exemple : le CC à propos de la création de
la taxe départementale sur le revenu. La loi qui la créait avait prévu que son
produit ne devait pas être supérieur au produit de la taxe d’habitation majorée
de 4%. Encadrement assez strict ici. Les requérants invoquent une marge de
manœuvre trop restreinte.
Décision du
CC du 25 juillet 1990 : il
relève que la mesure a un caractère temporaire et qu’elle est justifiée par le
fait que le législateur a voulu éviter une hausse excessive des impôts, de la
charge fiscale. Le CC valide la loi. A contrario, on peut en déduire que si la
mesure avait un caractère permanent et si la limitation était excessive, il y
aurait entrave à leur libre administration. Possibilité d’encadrement moyennant
certaines limites.
C.
Les prélèvements
opérés sur les ressources fiscales locales.
Mécanisme de péréquation : le législateur
peut-il prendre des ressources d’une collectivité locale pour les redistribuer
à d’autres ?
Décision du
CC du 6 mai 1991 (n°291) : à
propos de la loi instituant la solidarité fiscale entre les communes. Le CC a
décidé qu’à titre exceptionnel, l’Etat a la possibilité d’attribuer le produit
d’un impôt d’une collectivité locale à une autre collectivité locale. Le
prélèvement doit être défini avec précision dans son objet et sa portée.
Appréciation toujours quantitative mais ampleur limitée. Le prélèvement
n’excédait pas ici 5% du montant des dépenses des collectivités locales
ponctionnées (communes d’Ile de France).
Le
législateur peut porter atteinte à la composition et à l’origine des ressources
d’une collectivité locale. Il ne peut porter atteinte à l’équilibre entre
recettes et dépenses.
II.
La protection du
pouvoir budgétaire local.
A.
Les ressources.
Les collectivités locales bénéficient-elles d’une
garantie de ressources ? Il s’agissait d’une modification de la DGF
(dotation globale de fonctionnement). Les communes s’étaient fondées sur la DGF
pour élaborer leur budget. Mais celle-ci change donc le budget ne correspond
plus à ce qu’elles avaient prévu.
Décision du
CC du 6 mai 1991 : il décide
que la modification n’était que minime donc pas d’entrave à la libre
administration des collectivités locales.
Décision du
CC du 18 juillet 2001 :
concerne l’allocation personnalisée d’autonomie qui va être délivrée par les
départements selon des critères fixés par la loi. Cela pourrait entraîner le
département à dépenser beaucoup plus que prévu pour le versement de ces
allocations. Ils se plaignaient car ils risquaient de manquer de ressources. Le
CC a mis en avant l’existence d’un fonds de garantie prévu par la loi dans
lequel les départements peuvent puiser des ressources supplémentaires. Pas
d’entrave.
B.
Les dépenses.
L’Etat peut-il imposer des dépenses aux collectivités
locales ? C’est le problème des dépenses obligatoires.
Décision du
CC du 25 février 1982 concernant la loi de décentralisation : Cette loi obligeait les collectivités locales
à collaborer avec des établissements publics qu’elle n’avait pas créés.
Indirectement était créée une dépense obligatoire. Le CC n’a pas jugé qu’il y
avait atteinte au principe de libre administration.
Décision
du CC du 5 janvier 1982 (n°134) : l’ensemble des collectivités locales
finançait un fonds pour la cessation anticipée d’activité de leurs agents. La
loi avait prévu une solidarité entre collectivités locales pour réunir ces
fonds. Les collectivités locales se plaignaient du fait qu’elles payaient les
conséquences des ruptures de contrat décidées par d’autres collectivités locales.
Le CC a décidé que ce système de péréquation était simplement limité et donc ne
portait pas atteinte à la libre administration des collectivités locales.
Décision du
CC du 20 janvier 1984 (n°168) :
loi pour la prise en charge financière des agents refusés par les collectivités
locales alors qu’ils étaient proposés par les centres de gestion. Financement
jugé contraire au principe de libre administration.
III.
Les procédures.
A.
Le recouvrement des
recettes.
C’est toujours un agent de l’Etat qui recouvre les
recettes. C’est le comptable public. Celui-ci n’intervient que pour exécuter
les ordres de l’ordonnateur. L’ordonnateur est pour la commune le Maire, pour
le département le président du Conseil Général, pour la région le président du
Conseil Régional. Tout ce qui est exécution relève de l’agent de l’Etat, le
comptable public. Tout ce qui est prise de décision relève de l’ordonnateur.
Décision du
CC du 29 décembre 1998 (n° 405) :
création par les communes d’une taxe sur les activités saisonnières. La loi
laissait « aux soins de l’administration municipale » le recouvrement
de cette taxe. La loi contrevenait au principe selon lequel le recouvrement
appartient à l’agent de l’Etat. Le CC annule la loi en ce qu’elle aurait dû
prévoir une procédure de mise en recouvrement. Incompétence négative du
législateur : il ne va pas jusqu’au bout de sa compétence. Il est
sanctionné car il ne le fait pas.
B.
Les contrôles.
Décentralisation : transfert de compétences à
des collectivités locales autonomes. En France, les lois de décentralisation de
1982 ont prévu un contrôle sur les collectivités locales. Il est exercé par le
Préfet. C’est un contrôle de légalité (le Préfet ne peut agir que sur les actes
illégaux en attaquant les actes auprès du juge administratif). A contrario, le
Préfet ne peut pas exercer un contrôle d’opportunité.
Décision du
CC du 25 février 1982 :
décision qui réaffirme l’existence obligatoire d’un contrôle par le Préfet
(d’origine constitutionnelle). C’est valable aussi en finances locales. Le
Préfet va être amené à contrôler les budgets locaux. C’est un des contrôles les
plus poussés. Il est opéré par les Chambres Régionales des comptes. A
l’origine, les Chambres devaient contrôler « le bon emploi des
crédits ». Certains ont estimé qu’il s’agissait là d’un contrôle
d’opportunité des dépenses, de son efficacité. Les élus locaux se sont insurgés
contre une telle interprétation. Ils ne voulaient pas que leur gestion soit
mise en cause au niveau de leur opportunité. Loi du 5 janvier 1988 : le
mot bon emploi est remplacé par « emploi régulier des fonds ».
Contrôle de régularité, de légalité.
En ce qui concerne la compétence fiscale, on s’est rendu compte que le législateur avait un pouvoir conséquent en matière d’encadrement. La seule limite est l’entrave à la libre administration des collectivités locales qui est lui-même apprécié quantitativement. La seule chose garantie est l’équilibre budgétaire grossièrement apprécié. Les contrôles sont des contrôles a posteriori et il s’agit de contrôles de régularité, de légalité. Conception minimaliste de l’autonomie financière.