Les contrôles sur les collectivités locales, jusqu’à quel degré ?

 

Le principe du contrôle des actes des collectivités locales par l’Etat, qui est inscrit dans la Constitution, doit permettre d’assurer leur légalité au regard des normes juridiques, tout en respectant le principe de la libre administration garanti lui aussi par l’article 72 de la constitution. L’équilibre entre ces principes constitutionnels est en constante adaptation.

Mais il n’y a pas de contradiction entre ces principes car les contrôles constituent le complément indispensable des responsabilités confiées aux collectivités locales, et permettent à l’Etat de faire prévaloir les intérêts dont il a la charge.

Cette idée trouve son fondement dans la DDHC de 1789 qui dispose que " les citoyens ont le droit de constater, par eux-même ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique (…) et d’en suivre l’emploi " et que " la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ".

Les tutelles administratives, financières et techniques, héritées de l’ancien régime et de l’administration napoléonienne, ont été allégées tout au long de la cinquième république ( exemple : loi du 31 décembre 1970 )et supprimées par la loi de 1982.

La loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des collectivités territoriales, marque une étape majeure car elle modifie profondément les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales en substituant à la tutelle un contrôle a posteriori de leurs actes.

Le conseil constitutionnel a validé, dans sa décision du 25 février 1982, le nouveau principe de l’administration territoriale selon lequel les actes locaux sont exécutoires de plein droit dès leurs transmissions au représentant de l’Etat et leur publication. Il n’y a donc plus en principe de contrôle a priori des actes des collectivités locales.

La libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus, qui n’a pas mis fin à tous les contrôles, semble donc prendre le dessus, notamment du fait de la consécration d’un contrôle de nature et d’application différente : le contrôle juridictionnel.

On distingue traditionnellement deux types de contrôle : le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et le contrôle budgétaire qui est complété par un contrôle de gestion.

Ces contrôles, qui sont de nature et d’intensité différente, semblent au total fortement allégés en comparaison avec les pouvoirs exorbitants que détenait l’Etat auparavant.

On peut donc se demander, l’histoire de la décentralisation étant celle du desserrage continu de la tutelle, si l’allègement des contrôles a aujourd’hui abouti à un résultat satisfaisant, conciliant les exigences constitutionnelles.

Nous traiterons donc de la consécration d’un contrôle plus libéral : le contrôle de légalité ( I ) et de la nécessité de contrôles budgétaires et financiers rigoureux et dissuasifs ( II ).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I/ Consécration d’un contrôle plus libéral : le contrôle de légalité

 

Depuis la loi du 2 mars 1982, il y a une volonté de garantir au mieux la libre administration des collectivité locales et ce en supprimant, entre autre, la tutelle administrative c’est à dire un contrôle a priori sur les actes des autorités locales et de retirer le contrôle d’opportunité dont bénéficiait l’Etat. Mais il n’est pas question de laisser les collectivités locales sans contrôle et cela pour trois raisons : par tradition parce que la France est un Etat unitaire, parce que l’article 72 de la Constitution l’exige et car un contrôle sur les actes des collectivités locales s’impose fondamentalement.

Il est nécessaire, en effet, qu’un contrôle existe même si celui-ci est assoupli (A). Le problème de cette réforme est que ce nouveau contrôle connaît quelques problèmes et qu’il est parfois insuffisant, c’est pour cette raison qu’il y a une volonté de renforcement du contrôle (B).

 

  1. L’assouplissement du contrôle des actes des collectivités locales.

 

La loi du 2 mars 1982 qui proclame la suppression de la tutelle maintient cependant la forme considérée à juste titre comme la plus énergique de l’ancien système de contrôle, à savoir le pouvoir de substitution et exceptionnellement l’approbation préalable (1).

Mais cette réforme entraîne aussi un nouveau type de contrôle a posteriori qui est celui de la légalité (2).

 

  1. Les principes qui subsistent.
  2.  

    D’une part, on peut retrouver le pouvoir de substitution qui permet au représentant de l’Etat (le préfet) d’agir aux lieux et places de l’autorité locale défaillante dans des domaines où une carence persistante risquait de compromettre gravement la vie locale. Ce pouvoir a été maintenu pour certaines catégories d’actes. Il s’agit pour l’essentiel des mesures prises par le maire ou le président du conseil général dans le cadre de leur pouvoir de police administrative et du cas de non-justification du refus par le maire d’accorder des permissions d’occupation privative de la voie publique. Dans ces hypothèses, le préfet peut après une mise en demeure de l’autorité locale concernée, peut se substituer à cette autorité pour prendre la décision.

    D’autre part il est faut noter que la tutelle a priori ne disparaît pas totalement. La réforme laisse subsister le mécanisme de l’approbation préalable dans un certain nombre de cas que l’on peut classer :

    -les participations des communes et des départements dans le capital de sociétés commerciales ou tous autres organismes à but lucratif, n’ayant pas pour objet d’exploiter des services communaux ou départementaux ou des activités d’intérêt général dans les conditions prévues par la loi.

    -les participations financières de l’Etat.

    -la création d’un syndicat mixte.

    -la création, l’extension ou la transformation d’institutions sociales ou médico-sociales.

    -le recours aux emprunts à l’étranger pour les collectivités locales suppose le double accord des ministres de l’Intérieur et des Finances.

    -l’expédition des affaires courantes par le président du conseil général ou régional ou encore par le président du conseil exécutif de Corse, en cas de dissolution de l’assemblée locale.

     

    Ainsi, des trois formes de la tutelle, approbation, annulation et substitution, seules les deux premières sont supprimées sous réserve des cas particuliers de tutelle a priori prévus par la loi.

    La substitution demeure en raison de ses avantages pratiques pour empêcher la paralysie de l’administration locale.

     

  3. Les principes du nouveau contrôle.

 

Deux principes résultent de la double abrogation réalisée par la réforme.

Tout d’abord, à l’abrogation de la tutelle a priori et donc du régime de l’approbation préalable correspond le principe de l’exécution de plein droit des actes locaux. Il est affirmé par la loi du 2 mars 1982 pour la commune (art 2), pour le département (art 45), et pour la région (art 69). Ainsi, tout contrôle a priori sur les actes pris par les collectivités a été supprimé. Désormais ces actes sont exécutoires de plein droit dès leur publication ou leur notification et leur transmission au préfet, représentant de l’Etat dans le département. Par conséquent, l’exécution de plein droit s’applique à l’ensemble des collectivités locales et des établissements publics territoriaux et il n’y a plus à distinguer comme auparavant entre les actes des organes délibérants et ceux des exécutifs locaux. Il s’agit d’une simplification très nette par rapport au droit antérieur.

Les autorités locales ont l’obligation de transmettre au préfet certains actes. Ces actes sont les suivants :

-délibérations des conseils et décisions prises par délégation de ceux-ci

-les actes à caractère réglementaire ou individuel pris en matière de police par le maire ou par le président du conseil général, et plus généralement tous les actes à caractère réglementaire

-les conventions relatives aux marchés publics et aux emprunts

-les conventions de concession ou d’affermage de services publics locaux à caractère industriel ou commercial

-certaines décisions individuelles relatives au recrutement et à la carrière des agents

Les actes échappant à l’obligation de transmission sont les moins importants. Il s’agit, par exemple, des actes de gestion courante des services ou du domaine public.

Afin de ne pas encombrer les bureaux préfectoraux l’obligation de transmission est réservée aux actes les plus importants.

Cette transmission ne connaît pas de délai sauf en ce qui concerne les marchés publics (délai de 15 jours).

Par ailleurs, à l’abrogation du privilège d’annulation par le gouvernement correspond le principe d’un contrôle de légalité exercé a posteriori par le juge administratif. Il apparaît au travers des articles 3 et 4 pour la commune, 46 et 47 pour le département, 69/I et II pour la région. Ce contrôle a posteriori supprime les aléas d’un contrôle d’opportunité et confère au représentant de l’Etat le pouvoir plus limité de déclencher le contrôle de légalité exercé par le juge. Désormais, seul le juge administratif décide des redressements souhaitables et d’annuler les actes illégaux ou de les confirmer. Le représentant de l’Etat est simplement informé et doit déférer au juge ce qu’il estime illégal dans un délai de deux mois, délai pouvant être interrompu par une demande adressée par le préfet à l’autorité décentralisée, considérée comme un recours gracieux : CE, 18 avril 1986, " Préfet d’Ile et Vilaine ", ou par une demande de déféré adressée au préfet par un administré : CE, 25 janvier 1991,  " Brasseur ".

 

Les conséquences de ce nouveau contrôle sont de deux ordres : d’une part, le renversement de la charge de la preuve, en effet, ce ne sont plus les collectivités locales qui saisissent le juge mais le représentant de l’Etat, d’autre part, ce contrôle a posteriori permet un renforcement de l’autonomie locale car même s’il s’agit d’un contrôle, ce dernier ne représente pas une censure malgré le maintien des deux éléments vus dans notre première sous-partie.

 

  1. La volonté de renforcement d’un contrôle parfois insuffisant.

Ce nouveau contrôle est dans certains cas insuffisant voire même inefficace (1).

Mais afin de pallier certaines faiblesses du contrôle de légalité on constate une volonté de renforcement de ce contrôle (2).

 

  1. Un contrôle insuffisant voire inefficace :

 

Deux problèmes apparaissent avec ce nouveau contrôle.

D’une part, concernant le nombre de déférés, la mise en œuvre du contrôle reste insuffisante.

En effet, le nombre de déférés est faible : entre 2 et 3000 chaque année. On constate un fort pourcentage de désistements (environ 40% des recours). Les préfets préfèrent jouer un rôle de conciliateur plutôt que de censeur à l’égard des collectivités locales, surtout depuis que l’arrêt " Brasseur " a retiré tout caractère automatique au contrôle de légalité. Par ailleurs, les difficultés techniques de certains contrôles (en matière d’urbanisme) et les contextes politiques locaux, incitant les préfets à la prudence, expliquent aussi cette tendance. La progression du nombre des simples " observations sur la légalité " le prouve : 142 000 en 1991. Sur environ 5 124 000 d’actes transmis, il n’y eût que 2 263 déférés en 1991, qui ne présentent que 3% du contentieux de la légalité. Une politique de concertation entre les préfets et les autorités locales a été longtemps encouragée et explique en partie la faiblesse du nombre des déférés.

Celle-ci est devenue objet de critiques. Le Rapport du Conseil d’Etat publié en 1992 : " l’urbanisme : pour un droit plus efficace " déplore qu’il n’y ait en moyenne que 3 déférés par an et par département en matière d’urbanisme. Le Rapport Vedel sur la révision de la Constitution (1993) et une circulaire du ministre de l’Intérieur (29 juillet 1993) ont insisté sur la nécessité de donner à la pratique du déféré une " impulsion nouvelle ". Loin de surcharger les prétoires, l’intervention du préfet peut être un moyen de pression efficace sur les élus pour qu’ils régularisent leurs décisions, quitte pour le préfet à se désister en cours d’instance.

D’autre part, on peut se demander si ce contrôle est vraiment efficace. En fait, le juge se limite à " dire le droit ". Il n’a pas plus de pouvoir en tant que contrôleur de l’acte local qu’en tant que contrôleur d’un acte administratif quelconque mais il n’en a pas moins non plus même s’il ne possède pas du pouvoir de substitution qui lui permettrait de faire à la place de l’administration ce qu’elle refuse de faire, ou ce qu’elle persiste à mal faire.

 

Toutefois, l’efficacité du contrôle n’est pas si faible qu’il n’y paraît car elle a été renforcée à l’égard du juge administratif et aujourd’hui à l’égard du préfet.

 

 

2) Le renforcement du contrôle de légalité.

 

Concernant le juge administratif, celui-ci dispose de moyens de contraintes soit par le prononcé d’astreintes dans les conditions posées par la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, soit par les nouveaux moyens d’injonction (au fond ou d’exécution) prévus par les articles L.82 et L.84 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995.

Concernant le préfet, celui-ci peut utiliser la procédure du référé précontractuel qui permet d’obtenir du juge l’arrêt d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public en cours de déroulement. Le juge peut aussi avant que le contrat ne soit conclu prendre des mesures provisoires (nouvelle publicité, suspension de la procédure) ou définitives (annulation de la décision d’une commission d’appels d’offres).

Par ailleurs, l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 novembre 1994, département de la Sarthe, a estimé que le préfet peut également demander l’annulation des contrats non soumis à transmission. La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a pour sa part renforcé le mécanisme de sursis à exécution en matière d’urbanisme, de marchés et de délégations de service public.

En outre, il y a une volonté de renforcer des pôles de compétences qui sont destinés à mettre en œuvre à cet effet une véritable stratégie, élaborée en concertation avec les différents services déconcentrés de l’Etat et avec le réseau des comptables du Trésor.

Enfin, depuis quelques années, les juridictions administratives cherchent à accroître le rôle du préfet en prenant des décisions marquantes, qui font jurisprudence et renforcent ainsi le contrôle de légalité.

A noter, tout de même, que si le préfet choisit de ne pas saisir le tribunal administratif, la responsabilité de l’Etat peut être engagée : la Cour administrative d’appel de Marseille, dans l’arrêt " ministre de l’intérieur c/ commune de Saint-Florent et autres ", du 21 janvier 1999, a retenu la responsabilité de l’Etat du fait de l’abstention prolongée du préfet de Haute-Corse de déférer à la juridiction administrative un certain nombre de délibérations aux illégalités facilement décelables prises par le bureau d’un syndicat intercommunal.

 

D’une façon générale, on peut retenir que le contrôle de légalité par le juge transforme radicalement la nature du contrôle des actes locaux. Conçu strictement a posteriori, confié à un organe politiquement neutre, fondé sur la légalité, il rompt totalement avec le système des tutelles qui reconnaissent au représentant de l’Etat les privilèges exorbitants d’une censure a priori ou d’opportunité. Ce nouveau contrôle joue en faveur de l’autonomie locale, en libérant les actes locaux de toute intervention administrative préalable et en les purgeant de tout risque d’arbitraire.

Mais la réforme de 1982 ne s’arrête pas là puisqu’elle supprime également la tutelle financière qui sera remplacée par un contrôle budgétaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II / La nécessité des contrôles budgétaires rigoureux et dissuasifs.

 

Ce contrôle vise à faire respecter les règles de comptabilité publique et permet d’aboutir à la réformation de l’acte. On voit ici la différence avec le contrôle de légalité pour lequel il n’y a pas de pouvoir de substitution et qui provoque un autre vote du fait de l’annulation de l’ancien budget. La procédure budgétaire devant la chambre régionale des comptes ( CRC ) est donc mieux adaptée car elle permet un redressement plus rapide.

Mais le préfet ne peut choisir entre les deux actions car il ne peut saisir le tribunal administratif pour des motifs relevant du contrôle budgétaire, c’est l’exception de recours parallèle ( CE, 13 mars 1989, commune de Gardonne ).Un tiers lésé peut par contre déférer devant le tribunal administratif un budget censé irrégulier à l’expiration du délai imparti au préfet pour agir ( CE, 23 décembre 1988, département du Tarn ), sauf en matière de défaut d’inscription de dépenses obligatoires où seules les chambres régionales des comptes sont compétentes.

Dans le cadre du contrôle budgétaire, comme pour le contrôle de gestion, les chambres régionales des comptes, agissent en tant que service administratif ; leurs avis négatifs ( rejetant les requêtes )sont donc des actes administratifs susceptibles de recours devant le juge administratif ( CE, 23 mars 1984, organisme de gestion des écoles catholiques de Couéron ), les avis positifs étant considérés comme actes préparatoires (CE, 30 janvier1987, département de la Moselle).

Les chambres régionales des comptes, jouent donc un rôle fondamental tant en ce qui concerne le contrôle budgétaire et financier( A ), qu’en matière de contrôle juridictionnel ou de contrôle de gestion ( B ).

 

  1. Le contrôle budgétaire et financier exercé par le préfet et la chambre régionale des comptes.
  2.  

    L’Etat a conservé d’importantes prérogatives pour contrôler les finances locales, mais depuis la suppression de la tutelle financière par la loi du 2 mars 1982 le préfet ne peut plus procéder par voie d’approbation préalable (sauf dans des cas particuliers comme pour les emprunts réalisés par voie de souscription publique ), d’annulation ou de réformation. Le budget est donc exécutoire de plein droit dès sa transmission et sa publication. Le pouvoir de substitution du préfet demeure mais le contrôle budgétaire et financier a changé de nature et de modalité d’application, car il s’exerce désormais avec l’avis de la CRC et a posteriori.

     

    1. Les contrôles obligatoires en vertu de la loi.
    2.  

      Du fait de la mise en place de la CRC par l’article 84 de la loi de 1982, le pouvoir de substitution du préfet ne s’exerce plus librement car il doit obligatoirement recueillir l’avis de la chambre régionale des comptes.

      Ainsi, s’il conserve en principe un pouvoir de substitution, celui-ci est encadré par la loi. Pratiquement, le préfet n’a plus qu’un rôle de vérification préalable car son pouvoir de décidé en dernier ressort est fortement limité.

      La loi impose aux collectivités locales de respecter 4 obligations, il y a donc

      4 points de contrôle ( article L 1612-2 et suite) :

      -Le vote du budget dans les délais impartis : selon l’article 7 de la loi du 2 mars 1982, le budget (acte d’autorisation ) doit être voté avant le 31 mars de l’exercice concerné ( ou avant le 15 avril en cas d’élection ou dans les 15 jours de la notification par l’Etat des informations indispensables ). Si ce délai n’est pas respecté, le préfet saisi obligatoirement et sans délai ( saisine automatique )la CRC, qui formulera des propositions dans le mois. Le préfet rend ensuite exécutoire le budget dans les 20 jours. La saisine de la CRC suspend toute possibilité de prendre des décisions budgétaires et l’ordonnateur ne peut reconduire que la section de fonctionnement dans les limites de l’année précédente.

      -Le vote du budget en équilibre : L’article 8 de la loi de 1982 impose le vote en

      équilibre réel du budget ( des deux sections ) et à défaut le préfet a un mois pour saisir la CRC qui formulera des propositions. Si la nouvelle délibération n’intervient pas dans le mois ou si elle n’a pas pris des mesures de redressement suffisantes, dans les 15 jours le budget est réglé par le préfet.

      -L’adoption du compte administratif en équilibre : Le budget ne doit pas être déficitaire à l’issue de l’exercice. Si le déficit atteint 10% des recettes de fonctionnement pour les communes de moins de 20000 habitants ou 5% pour les autres communes, les départements et les régions, la CRC est saisie par le préfet et propose à la collectivité, dans les deux mois, les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre. Si les mesures prises sont insuffisantes c’est encore le préfet qui règle le budget (les budgets suivant seront obligatoirement contrôlés).

      -l’inscription des dépenses obligatoires : article11 de le loi de 1982.

      Le préfet ou toute personne ayant un intérêt peut saisir la CRC pour que soient inscrites les dépenses obligatoires par la loi ou les dettes exigibles. Si la collectivité refuse d’y procéder, la CRC demande au préfet de l’inscrire. Cependant, le préfet ne peut pas inscrire d’office une dépense obligatoire si la CRC refuse de reconnaître le caractère obligatoire de la dépense ( CE 4 novembre 1988,syndicat Mixte du collège Val de Sarre ). Cette dérogation constitue un élément essentiel de la décentralisation financière.

      Le préfet conserve donc un pouvoir de substitution car dans tous ces cas il n’est pas lié à l’avis émis par la CRC et peut s’en écarter s’il motive expressément sa décision( CE,10 février 1988, commune de Brives-Charensac). Mais dans la pratique, il ne peut désormais intervenir que si la concertation des magistrats et la collectivité en cause n’a pas permis un redressement correct.

      La suppression des anciens mécanismes et le rôle joué par la CRC font apparaître un allégement certain des contrôles, seul demeure l’esprit du pouvoir de substitution. La CRC a, en effet, un rôle fondamental de conseiller et d’expert financier qui permet de régler par la négociation les problèmes.

      En effet, dans la pratique les nouvelles délibérations sont conformes aux propositions et le préfet suit l’avis recommandé.

      Il y a donc un réel encadrement des collectivités locales qui apparaît aussi à travers les contrôles de l’exécution du budget.

       

    3. Le contrôle de l’exécution du budget.

     

    L’exécution du budget est soumise aux règles de comptabilité publique, la discipline budgétaire est donc très rigoureuse.

    En ce qui concerne les recettes, le maire émet les titres de recette et le comptable assure l’encaissement, sauf pour les recettes importantes, comme les impôts locaux, qui sont versées au receveur sans intervention du maire. Les collectivités ont une obligation de dépôt des fonds libres sur un compte spécial du trésor.

    En ce qui concerne les dépenses, le budget accorde une autorisation et non une obligation de dépenser. En principe les prévisions budgétaires doivent être respectées, mais une souplesse financière a néanmoins été introduite par la loi du 5 janvier 1988 qui permet l’ouverture de crédit pour dépenses imprévues.

    Le maire doit tenir une comptabilité de l’engagement des dépenses (article 51 de la loi du 6 février 1992 ) pour que sa gestion soit contrôlée par le comptable qui procède au paiement. Cependant, " le comptable ne peut ( plus ) subordonner ses actes de paiement à une appréciation de l’opportunité des décisions prises par l’ordonnateur ".

    Le comptable, avant de procéder au paiement, contrôle la qualité de l’ordonnateur, la disponibilité des crédits, l’exacte imputation des dépenses au chapitre correspondant, la validité de la créance et le caractère libératoire du paiement. Il doit, pour ce contrôle, exiger toutes les pièces justificatives mentionnées par le décret du 21 janvier 1988, mais ne peut en demander d’autres.

    A l’issue de son contrôle, il peut ajourner son visa si les anomalies relevées peuvent être rectifiées rapidement.

    Il peut suspendre le paiement par décision motivée si la dépense est irrégulière.

    Le maire a alors trois possibilités : soit il retire sa demande, soit il complète le dossier de mandatement, soit il réquisitionne le comptable. Le comptable se conforme à l’ordre de réquisition sauf si les fonds disponibles sont insuffisants, si l’ordonnancement porte sur des crédits ouverts à tort, s’il y a absence totale de justification du service fait ou si le paiement n’est pas libératoire.

    Le maire engage sa responsabilité propre en cas de réquisition et, depuis la loi du 29 janvier 1993, il est assujetti à la cour de discipline budgétaire et financière en cas de réquisition irrégulière du comptable (ou d’inexécution d’une décision de justice).

    Le comptable doit concilier le respect des règles et le respect des exigences locales. Il a désormais un rôle essentiel de conseiller pour les gestionnaires et participe activement à la préparation des budgets, surtout pour les petites communes.

    Le contrôle budgétaire ne laisse donc aucune place aux manquements des responsables locaux, qui peuvent, de plus, dans certains cas, être soumis à un contrôle juridictionnel, lui même pouvant déclencher le contrôle de gestion.

     

     

  3. Le contrôle juridictionnel et le contrôle de gestion.
  4.  

    Seul le contrôle des comptes relève des attributions juridictionnelles de la CRC, le contrôle de gestion relève de ses attributions administratives. Mais ces deux contrôles sont étroitement liés en pratique car le contrôle de régularité comptable débouche sur un contrôle de gestion.

     

    1. Le contrôle juridictionnel exercé par la chambre régionale des comptes.
    2.  

      La loi de 1982 énonce clairement le principe du contrôle juridictionnel en prévoyant que la CRC juge, dans son ressort, l’ensemble des comptes des collectivités locales et de leurs établissements publics.

      Les chambres régionales des comptes ont hérité du contrôle juridictionnel exercé auparavant par la cour des comptes et le trésorier-payeur général, qui retrouve par ailleurs sa compétence pour les communes de moins de 2000 habitants et de moins de 2 millions de recette. La loi du 5 janvier 1988 est donc un retour en arrière qui rompt la cohérence unitaire des contrôles sur les communes et leurs établissements publics ( elle s’explique pour certains par la volonté de ménager les élus locaux qui ont pu se sentir mis en cause par la " juridictionnalisation " des contrôles ).

      Le contrôle exercé par la CRC sur la régularité des opérations effectuées par les comptables publics est une procédure obligatoire.

      La CRC règle et apure les comptes par des jugements que des irrégularités aient été relevées ou non. L’objet du contrôle est donc à la fois la vérification de la régularité des comptes et la vérification que le comptable a effectué l’ensemble des contrôles exigés (origine et montant des recettes et des dépenses ).

      On distingue les jugements de quitus, quand le comptable a satisfait à toutes ces obligations et les jugements de débet lorsqu’une irrégularité est constatée (le comptable doit alors reverser une somme à la collectivité ).

      La CRC dispose de pouvoirs coercitifs important à l’égard des comptables.

      La juridiction des CRC s’étend aux comptables de fait, c’est à dire aux ordonnateurs ayant manié des fonds publics au mépris de la règle publique de séparation des fonctions (organe dirigeant d’une association composée majoritairement d’élus et de fonctionnaires locaux ; forte dépendance matérielle et financière de l’association vis-à-vis de la collectivité territoriale…).

      Les décisions des CRC sont susceptibles d’appel devant la cour des comptes et de cassation devant le Conseil d’Etat.

      Si des irrégularités comptables sont constatées, un contrôle de la gestion aura forcement lieu.

       

    3. Le contrôle administratif de la gestion.

 

Le contrôle de gestion a suscité de nombreuses critiques notamment des maires considérant ces contrôles comme des intrusions dans les affaires locales, car dans les petites communes contrôler les comptes revient à contrôler l’ordonnateur autant que la comptable.

Le contrôle a posteriori de la gestion des collectivités locales constitue une mission particulière de la CRC dévolue par l’article 87 de la loi de 1982.

Indépendamment du contrôle juridictionnel, mais avec les mêmes moyens

d’investigation, la CRC peut s’assurer de " l’emploi régulier " des fonds publics et du respect des procédures de comptabilité publique. Ce contrôle qui est à l’origine diligenté par la CRC peut aussi être sollicité par l’exécutif local ou le préfet.

Les CRC ont pris en quelques années une place fondamentale dans le paysage local français, notamment par le biais des lettres d’observations définitives qui sont juridiquement des documents d’analyse de la gestion de l’ordonnateur.

L’obligation de publicité des observations, imposée par la loi du 15 janvier 1990 a fortement accru leur impact.

En effet, à l’occasion de leur contrôle, les CRC portent de véritables appréciations sur la situation financière des collectivités et formulent 2 sortes d’observations : celles qui dénoncent les irrégularités flagrantes et celles qui mettent en évidence l’écart entre un projet et ses résultats concrets. Parallèlement, trois thèmes majeurs intéressent la CRC : l’utilisation équilibrée des finances publiques, la gestion maîtrisée des missions de service public ( éviter les gestions de fait…), le respect des grands principes de la fonction publique ( respect du principe de parité ).

Il est apparu dans les années 90 qu’une collectivité pouvait en effet satisfaire aux règles juridiques du contrôle budgétaire assurées par les services préfectoraux tout en étant dans l’impossibilité de faire face à ses engagements. Le contrôle budgétaire assuré aujourd’hui par le préfet cherche à intégrer les éléments d’une analyse financière globale.

Ce contrôle de gestion permet donc de clarifier les pratiques de certains élus et fonctionnaires. La mission de contrôle de gestion assurée par la CRC contribue à la démocratie locale et à l’évaluation des politiques locales ( peu développée par les lois de décentralisation ). Au total, les contrôles internes et de gestion doivent permettre aux dirigeants d’avoir une vue complète et approfondie de l’ensemble des activités exercées, mais c’est une source de contrainte pour les collectivités locales et leurs établissement publics, qui, de plus, ne répond pas réellement aux besoins locaux car les observations arrivent 2 à 5 ans après la clôture de l’exercice.

Il y a aujourd’hui, d’un côté, une volonté d’approfondissement des contrôles internes (mise en place de vérifications internes par rapport à des objectifs clairs et de prévention des risques) et de réforme des contrôles externes ( publication simultanée des réponses des contrôlés et des observations des CRC ) et de l’autre une aspiration des élus à moins d’encadrement des finances locales.

 

Ce besoin de contrôle, qui s’explique notamment par le niveau de pression fiscale et la volonté de lutter contre la corruption, s’illustre aussi par l’augmentation des recours ( fondés sur une ancienne loi de 1937 codifiée à l’article L 2132.5 du CGCT ) exercés directement par le contribuable au nom de sa commune. En effet, avec l’autorisation du tribunal administratif, un contribuable peut exercer un recours que sa commune a refusé ou négligé d’exercer.

Il y a donc aussi un contrôle des contribuables sur les activités communales.

La suppression des tutelles n’a donc pas mis fin à tous les contrôles car ils sont une exigence démocratique et la contrepartie des libertés et des pouvoirs octroyés. Les élus doivent donc accepter l’idée de contrôle et notamment du contrôle de gestion pour que la décentralisation ne soit pas compromise. Les contrôles sont en effet un garde-fou indispensable.